René Leduc - Pionnier de la propulsion à réaction

En 1988, Jean Lacroze, passionné d'histoire d'aviation bordelais, venait de réaliser son premier ouvrage consacré au SO-6020, "Espadon" quand, alors qu'il était de passage au musée de !'Air, le responsable de la documentation lui fit cette proposition : 

"Si vous êtes intéressé par l'histoire des Leduc, je pourrais vous aider car nous avons une documentation très importante sur le sujet." 

En effet, la documentation du musée était assez fournie, mais ne permettait pas néanmoins de reconstituer en détail la vie de ces étranges machines que sont les avions Leduc. Il fallait donc chercher ailleurs. 

À l'occasion de ses recherches sur les SO-6020, Jean Lacroze était entré en contact avec le CEV, à Istres, où il avait fait la connaissance d'un jeune Provençal, Philippe Ricco, qui sortait d'université et débutait sa carrière dans l'aéronautique, dont il était lui aussi passionné. Sa curiosité pour l'histoire de l'aviation l'avait amené à faire la connaissance de Jean Sarrail et, grâce à lui, de nombreux acteurs de l'épopée Leduc. C'est alors que germa l'idée de s'associer pour cette recherche dont le sujet les enthousiasmait : le "tandem" était parti! 

La période euphorique de travail en commun, où chacun se faisait une joie de faire part de ses dernières trouvailles et bien entendu de profiter de celles de l'autre, dura plusieurs années. Le travail partagé entre les deux chercheurs permit d'entrer en contact avec un grand nombres d'acteurs de cette "saga", aussi bien du côté Leduc (bureaux d'études, ateliers, essais en vol, famille ... ) et des sociétés avec lesquelles Leduc était en contact (souffleries, Turboméca, sous-traitants, ... ) que du côté des services étatiques (CEV, STAé, EAP, ministères, ... ), sans oublier les centres d'archives (musée de l'Air, Archives nationales, Centre d'archives de l'armement, services historiques des armées, magazines et journaux ... ) et les nombreux historiens et collectionneurs. 

De nombreux documents furent ainsi découverts, certains oubliés depuis des décennies, souvent protégés par l'indifférence ou la méconnaissance de leurs détenteurs. D'autres jaillirent comme des trésors entre les mains d'acteurs fiers d'avoir participé à cette aventure, heureux d'avoir pu conserver de si précieuses reliques et, plus encore, de pouvoir les exhiber au grand jour, devant les yeux émerveillés de passionnés, tout aussi fébriles de les découvrir. 

Pendant quelques années encore, le travail se poursuivit, mais par à-coups cette fois, chaque équipier fournissant alternativement la matière à une avancée de l'étude : le "tandem" s'essoufflait ! Au cours de l'hiver 1993-94, une première exploitation de l'importante documentation rassemblée donna lieu à la rédaction d'un premier manuscrit. Cette ébauche fut bien vite adressée pour avis à quelques témoins, experts, ainsi qu'aux éditions Larivière, pour "tester" un possible éditeur. 

La recherche de nouvelles sources, qui devenaient rares, les nombreuses navettes entre Bordeaux et Aix- en-Provence, pour corriger, compléter, améliorer le texte initial, usèrent la volonté et le dynamisme des auteurs. Le "tandem" s'arrêta. En fin d'année 1998, sous l'impulsion des éditions Larivière, les auteurs, convenant qu'il valait mieux un ouvrage encore imparfait édité qu'une étude en sommeil, se remirent à la tâche et bouclèrent enfin l'ouvrage. Voilà pour ce qui concerne l'histoire du livre. 

Celle de René Leduc, de son œuvre, de son entourage, avait déjà fait l'objet d'un excellent volume de la collection "Aviation" des éditions France Empire intitulé "Un homme seul", paru en 1961 sous la signature de son épouse Suzanne Leduc. 

Avec l'apaisement que le temps apporte à toute chose, il convenait sans doute de retracer à nouveau, avec plus de recul, de façon plus détaillée, plus technique, l'aventure que constitua la quête inlassable de ce très grand pionnier pour un moyen de propulsion auquel il consacra la plus grande partie de sa vie. C'est en tous cas ce que les auteurs se sont efforcés de réaliser, très humblement, eu égard à l'ampleur du sujet. Ils espèrent que le lecteur simplement curieux, sans être un technicien émérite, trouvera matière à se faire une idée assez précise de l'épopée de la "Tuyère thermopropulsive" où le génie d'un brillant inventeur et le talent de son équipe se heurtèrent aux nombreuses difficultés que soulèvent toujours les entreprises hardies. Ces difficultés, techniques, certes, mais aussi conjoncturelles (économiques, de politique industrielle, stratégiques), conduisirent à l'arrêt de l'activité aéronautique de René Leduc. Cet arrêt était-il inéluctable ou au contraire pouvait-il être évité? Là encore les auteurs, dont les opinions ne sont pas forcément identiques, ont préféré laisser le lecteur donner lui-même sa réponse, si tant est qu'une réponse catégorique puisse être formulée!